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  • Photo du rédacteurOlivier Bétourné

Avec Laurent Berger, jusqu’au bout

Autant que le refus, c’est l’exaspération qui monte. Il serait donc acquis qu’on ne peut se dire soucieux de l’avenir du système de retraites par répartition en France sans accepter le projet du gouvernement ? C’est en tout cas ce que prétendent les éditorialistes de LCI et d’ailleurs qui, jour après jour, nous accablent de sarcasmes, nous les pauvres en esprits qui n’avons toujours pas compris que sous l’effet de la réduction du nombre d’actifs par retraité, dans un contexte d’accroissement de l’espérance de vie et de baisse du taux de fécondité, il est indispensable d’allonger l’âge de départ à la retraite.

Imparable. Mathématique. Il n’y a que les imbéciles qui ne comprennent pas ça.

Posons d’abord qu’en effet, il est impératif de procéder à une réforme du système. Et que si celle-ci ne présente pas le degré d’urgence que suggère le gouvernement, il est bien clair que jusqu’en 2043 au moins, si nous ne faisons rien, le système sera frappé d’ un déséquilibre structurel qui aggravera le déficit de nos finances publiques. Et que celui-ci ne pourra être financé qu’en reportant le fardeau sur les générations à venir via l’endettement de l’Etat. C’est pourquoi les partisans du statu quo (et a fortiori ceux du retour de la retraite à 60 ans) ont tort. Il suffit de lire le dernier rapport du COR (Conseil d’orientation des retraites ) pour s’en convaincre.

Pour autant, le président de la République est bien mal venu de menacer de faire passer son projet au 49-3, lui qui tergiverse depuis cinq ans tout en se refusant à parler sérieusement avec Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, dont la force de propositions est bien connue . On nous avait d’abord parlé de la nécessité de changer de système et de s’orienter vers une retraite par points (ce qui aurait eu, en effet, le formidable mérite d’instituer une égalité de traitement entre tous les actifs), mais l’affaire s’est embourbée dans les eaux marécageuses de la haute technocratie française et le Président de la république a dû y renoncer. On nous a parlé ensuite de la nécessité de fixer l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, puis de la nécessité de le fixer à 64 ans…

Eh bien, Monsieur le Président, il faut que vous compreniez que votre projet ne plaît pas aux Français. Parce qu’il est injuste et parce qu’il n’induit aucun effet redistributif. La démonstration vient d’en être excellemment faite par un think tank indépendant, « Terra nova », qui propose, en réponse au gouvernement, un projet d’ensemble en trois volets, qui associerait une anticipation de l’augmentation de la durée de cotisation à 43 ans prévue par la réforme Touraine et un (léger) report de l’âge légal de départ à la retraite (63 ans à l’horizon 2030) ; un effort de solidarité des entreprises et des retraités les plus aisés ; des mesures d’accompagnement ciblées sur les plus modestes (fixer la pension minimum à 1200 euros bruts pour une carrière complète c’est très bien, mais quid de la grande majorité des retraités les plus pauvres ?). Le tout est précis, chiffré, et répond très exactement au besoin de financement du système pour les décennies à venir tel que l’analyse le COR.

On peut bien sûr préférer à ce plan la brutalité du report d’âge. On peut choisir, ce faisant, de pénaliser les moins bien lotis des actifs (carrières longues, pénibilité) et les moins bien armés des seniors qui finiront leur carrière entre Pole emploi et la marginalité sociale. Mais que nos gouvernants ne s’étonnent pas de la fermeté du refus et de la fureur qu’ils auront suscités.

Laurent Berger est descendu dans l’arène avec détermination. L’homme du compromis se refuse à entériner un système injuste dont la prétendue nécessité est un leurre. Il n’a pas cédé d’un pouce sur ses convictions. Et de même qu’il avait appelé à faire barrage à l’extrême droite aux dernières présidentielles quand d’autres entretenaient un flou qu’il sera difficile de leur pardonner, le voici qui appelle à renforcer la mobilisation pour faire pièce à l’injustice.

Laurent Berger, Terra Nova. A gauche, tout n’est pas perdu.


Rapport annuel du COR, septembre 2022. Terra Nova, « Une autre réforme des retraites est possible », 22 septembre 2022 (accessible en ligne).



Copyright photo : PIERRETOPIRE / LEO AUPETIT



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